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©LaetitiaGessler

Les chamanismes contemporains : entre le local et le global

Vignettes

L’ex-anthropologue des Jivaros, Michael Harner (1929-2018), est le fondateur du chamanisme moderne aux États-Unis qui aura un retentissement mondial ; un chamanisme occidental dit aussi néo-chamanisme, qui comporte des lignes thérapeutiques, artistiques, universalistes et écologistes[1]. Dans le cadre du néo-chamanisme, des pratiques anciennes telles que les huttes de sudation ou l’usage du tambour sont relues à travers les grilles de lecture de Michael Harner. En 1979, il fonde la Foundation for Shamanic Studies. Son but est « d’étudier, d’enseigner et de préserver le chamanisme ». Elle propose des cours ainsi qu’une formation de « certified shamanic counselor™ » (conseiller chamanique certifié).

Le néo-chamanisme occidental prend la forme de séances en cabinets privés (formes de coaching) et de festivals organisés par des collectifs de chamanes auto-proclamé-es[2][3]. Selon l’anthropologue S. Rouiller, « le propre de la méthode Harner est de se concentrer sur l’aspect pragmatique du core shamanism (le cœur du chamanisme) c’est-à-dire sur l’aspect technique et thérapeutique de l’efficacité rituelle décontextualisée de toutes formes de culture. Le chamanisme devient alors un outil neutre et exportable. La méthode Harner formera de nombreuses personnes, dont des Européens »[4].

Certains néo-chamanismes ne se revendiquent néanmoins pas nécessairement de la tradition harnerienne. Il existe des néo-chamanisme éclectiques New Age, basés sur le bricolage et le développement personnel[5]. L’ethnologue V. Basset parle de l’émergence d’un « chamanisme à la carte » basé sur une « sélection de certaines pratiques et croyances chamaniques considérées comme traditionnelles et authentiques » et qui « tend à ériger une sorte de chamanisme idéal et universel, où la figure du chaman ne serait rien d’autre qu’une représentation stéréotypées »[6].

D’autres courants néo-chamaniques cherchent à revivifier des traditions antiques ou précoloniales en s’inscrivant dans un héritage ou un patrimoine culturel, comme par exemple le déo-celtisme, le néo-druidisme ou les néo-paganismes en Europe[4]. En Amérique latine, on observe des néo-chamanismes d’inspiration ethnique, Maya, Aztèque, Incas, etc[7][8]. Ces courants se situent davantage dans des logiques recomposition culturelle et identitaire que consuméristes.

En Suisse romande, le (néo-)chamanisme est représenté par la Foundation for Shamanic Studies et par des thérapeutes indépendant-es. Ces chamanes occidentaux-ales proposent des consultations individuelles, des cérémonies et des stages chamaniques. Ils se présentent lors de foires de médecine naturelle (par exemple Mednat), lors de festivals, sur des dépliants, dans des revues de développement personnel, etc.


Références citées

[1] Hamayon, Roberte (1994), « Conférence de Mme Roberte Hamayon », in École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses, Annuaire, vol. 102, p.66

[2] Conférence de Roberte Hamayon “Tours et (re)tours du chamanisme, d’hier à aujourd’hui, de là-bas à ici. Jeu, transe et don, au coeur des dynamiques de la religion”, Université de Fribourg, 28 février 2018

[3] Hamayon, Roberte, (2015), Le Chamanisme. Fondements et pratiques d’une forme religieuse d’hier et d’aujourd’hui, Paris: Groupe Eyrolles.

[4] Rouiller, Sybille (2014), « Perspective spirituelle globale et revendication identitaire locale dans le milieu néo-chamanique occidental. Étude de terrain : le cas des déo-celtes », Mémoire de master, Faculté de théologie et de sciences des religions, Université de Lausanne., p.14.

[5] ibid., p.22.

[6] Basset, Vincent (2012), « Monts sacrés et cultes néochamaniques. Regards croisés Mexique-France » L’autre Voie [en ligne], vol. 9, consulté le 27 janvier 2020, p.9.

[7] Farahmand Manéli (2021, en cours de publication), Le retour des Mayas. Ethnographie d’un néo-chamanisme en contexte global, Lausanne : Éditions Antipodes.

[8] Galinier Jacques, et Molinié Antoinette (2006), Les Néo-Indiens. Une religion du IIIe millénaire, Paris : Odile Jacob.