Comment le CIC applique-t-il le principe de neutralité dans son travail?
Le CIC utilise plusieurs moyens :
- Il s’abstient de prendre part aux controverses particulièrement vives dans le domaine religieux. Par exemple sur la question des signes religieux.
- Il diffuse une documentation qui propose plusieurs points de vue pour que les lecteurs se forgent eux-mêmes leur opinion.
- Il adopte la même approche avec tous les groupes, reconnus ou controversés.
Il utilise un vocabulaire neutre. Par exemple, il emploie le mot « membre » plutôt qu’« adepte », le terme « groupe religieux » plutôt que « secte », etc. - Il fait appel aux techniques d’entretien des sciences sociales pour recueillir des informations auprès des responsables religieux, des membres de groupes religieux, d’anciens membres, ou des proches.
Pourquoi le CIC n’utilise-t-il pas le mot “secte” ?
- Parce qu’il n’existe pas de liste officielle de “sectes” en Suisse. En l’absence de critères objectifs, le terme « secte » n’a jamais fait l’objet d’une définition juridique ou politique.
- Parce que le terme de “secte” peut s’avérer stigmatisant et discriminatoire. Il est en effet fréquemment utilisé dans un sens péjoratif pour désigner un groupe religieux/spirituel qui fait peur.
- Parce qu’il donne une vision simplificatrice de la réalité qui ne tient pas suffisamment compte de la diversité des situations, du contexte politique, juridique et socioculturel.
Ce n’est pas parce que le CIC n’utilise pas le mot “secte”, qu’il n’est pas attentif aux problèmes qui peuvent exister au sein des groupes religieux. Des dérives ou des dysfonctionnements peuvent survenir dans n’importe quel groupe, quel que soit le courant auquel il appartient, sa taille ou son ancienneté. Considérer que seules les “sectes” peuvent rencontrer des problèmes revient à nier que des dérives peuvent également survenir dans des “religions”.
Quelles sont les principales dérives observées en Suisse?
Les plus graves sont bien sûr les maltraitances, les escroqueries ou l’exercice illégal de la médecine. Mais c’est heureusement des cas rares. Plus fréquentes sont les situations de manque de transparence, de violation de la sphère privée, de non respect de la liberté de croyance, d’homophobie ou de contestation de l’enseignement des sciences dispensé à l’école publique.
Concrètement, il est important de bien distinguer les situations qui sont dérangeantes pour les proches et celles qui pourraient être dangereuses ou problématiques pour la personne engagée. Par exemple, une fréquentation assidue d’un lieu de culte n’est pas en soi dangereuse, mais peut déranger l’organisation familiale. En revanche, le CIC considère qu’il faut s’inquiéter lorsque l’investissement financier met en péril le budget de la personne, lorsque qu’un contrat n’est pas respecté ou encore lorsqu’il y a des incitations à abandonner ses études. Dans tous les cas, le CIC privilégie une approche pragmatique.
Quels sont les groupes controversés en Suisse ?
A des degrés divers, les minorités religieuses font davantage l’objet de controverses que les communautés majoritaires, reconnues. Concernant les controverses, il s’agit d’être très prudent. Elle peuvent relever de faits problématiques mais aussi de facteurs culturels. L’Armée du Salut, par exemple, jouit actuellement d’une reconnaissance sociale importante alors qu’elle a été particulièrement contestée au 19ème siècle quand elle s’est établie en Suisse.
En Suisse, on entend par minorités religieuses les communautés autres que catholiques et protestantes réformées. On les qualifie ainsi en raison de leur infériorité numérique mais aussi parce qu’elles occupent des positions non dominantes en terme de pouvoir, statut et reconnaissance. Ce sont par exemple les communautés évangéliques, chrétiennes-orthodoxes, musulmanes, juives, bouddhistes, hindoues, ésotériques ou néo-orientales. En Suisse, il y a près de 2800 communautés de ce type (Jörg Stolz et al, PNR58, 2008). D’un point de vue statistique, environ 12 % de la population appartient à une minorité religieuse (Office fédéral de la statistique, 2012). Et, selon une étude de l’European Social Survey de 2010, environ 1% de la population suisse se sent discriminé en raison de son appartenance religieuse.
Un drame comme l’Ordre du Temple solaire (OTS) peut-il se reproduire ?
Des études ont montré que tout groupe religieux peut dysfonctionner, surtout lorsqu’il s’isole, qu’il professe une doctrine apocalyptique, qu’il est dirigé par une personnalité autoritaire et que son pouvoir est contesté par certaines personnes du groupe ou de l’extérieur. Ceci dit, les organisations religieuses qui connaissent des dérives mortelles comme celles de l’Ordre du Temple solaire sont heureusement rares. Elles restent cependant dans les mémoires. On se rappelle des 913 membres de la communauté du Temple du Peuple qui périrent en 1978 à Jonestown en Guyane ou encore les attentats au gaz sarin commis en 1994 et 1995 au Japon par le groupe Aum qui provoqua 19 morts. Inversement le nombre de personnes persécutées et assassinées en raison de leur appartenance religieuse est bien supérieur. C’est le cas des Baha’is en Iran ou des disciples du Falun Gong en Chine.
Si l’on est victime de dérives que faut-il faire ?
Seule la personne concernée peut réellement agir : quitter le groupe si elle se sent en danger, prendre contact avec un service juridique, un service social ou un service hospitalier. Il peut également être utile de contacter le CIC pour s’informer sur le groupe, savoir par exemple s’il a déjà fait l’objet de plaintes ou de poursuites, mais également pour signaler les dérives constatées.
La marge de manœuvre des proches est en revanche faible, surtout lorsque la personne concernée ne veut ni quitter le groupe ni porter plainte. Dans ce cas, il est très important que les proches maintiennent le dialogue. Pour cela, ils doivent faire attention à ne pas porter de jugement de valeur. Nous leur recommandons par exemple d’éviter d’utiliser le mot secte qui est péjoratif et stigmatisant. Dans certaines situations et avec l’accord de la personne concernée, nous conseillons aux parents ou amis de rencontrer les responsables de l’Eglise ou du groupe pour leur faire part de leurs inquiétudes.