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L’impact du Covid-19 dans les milieux religieux et spirituels

Covid-19
Religion

Le CIC a observé une pluralité de phénomènes dans le paysage religieux depuis le début de l’épidémie de COVID-19, à partir de la presse suisse et mondiale. Ci-dessous un bref résumé.

Nous avons réalisé une note préliminaire actualisée regroupant nos observations en date de mars 2021. Vous pouvez trouvez cette notice ici.

Religions et Covid-19 : l’adaptation nécessaire

La plupart des courants religieux majoritaires et leurs autorités se sont rapidement conformées aux mesures sanitaires prises par les Etats. On a vu les églises, mosquées et synagogues fermées et de grands rassemblements annulés, pour la Pâque juive et chrétienne ou encore le grand pèlerinage à la Mecque qui devait se tenir en juillet. Pour les communautés locales, l’enjeu est de conserver le lien communautaires et l’accompagnement spirituel des fidèles. De nouvelles pratiques ont été mises en place, comme donner la possibilité aux croyants de suivre l’office religieux par vidéo-conférence, d’échanger à travers une hotline téléphonique, ou des distributions de repas pour les plus démunis et isolés . Les rites funéraires ont dû être également parfois repensés, dans un contexte où les corps contaminés ne peuvent être touchés. Des pratiques rituelles telles la toilette mortuaire, les veillées funèbres et les cérémonies religieuses en large comité sont momentanément impossibles et contraignent les responsables religieux à trouver de nouvelles façons de célébrer la mort religieusement.

En revanche, pour certaines communautés, l’adaptation aux nouvelles restrictions est plus compliquée et provoque parfois des situations à risque. Cela a été relevé dans certaines communautés juives ultra-orthodoxes dont le mode de vie est à la fois basé sur la communauté permanente et sur un isolement du monde extérieur (notamment d’internet et des médias), ce qui a favorisé la propagation du virus, par manque de communication et non-respect de mesures de distanciation sociale[1]. D’autres exemples sont apparus dans les communautés évangéliques, notamment au Brésil, où le président Jair Bolsonaro a déclaré les églises évangéliques comme un secteur essentiel et donc non soumises à une fermeture temporelle. Celles-ci, en forte expansion depuis plusieurs décennies, sont en général moins régulées que d’autres traditions religieuses car plus hétérogènes, ce qui peut expliquer certains comportements allant à l’encontre des efforts pour restreindre l’épidémie[2].

Interprétations religieuses du Covid-19

Le CIC a été attentif au développement de discours interprétatifs autour de la pandémie au sein de différents milieux religieux. Nous avons observé l’émergence d’interprétations apocalyptiques, très répandues en particulier par les télévangélistes, et dans les courants millénaristes comme les Témoins de Jéhovah. Le Covid-19 est souvent associé à une « punition divine », dont il faudrait se repentir et cela de différentes manières ; par la prière, le jeûne, des dons ou autres. Le virus est ainsi présenté comme une confirmation des écrits bibliques et synonyme du retour du « Sauveur divin » sur terre et de fin du monde[3].

Dans d’autres milieux spirituels, notamment New Age et néo-chamaniques, des interprétations différentes du virus et de la manière de s’en protéger font l’objet de discours à plus fort caractère optimiste. Chez certains néo-chamanes, une vision éco-spirituelle du virus est défendue ; l’humanité est alors perçue comme « un énorme coronavirus pour la planète, puisqu’elle bouche toutes ses voies respiratoires ». Le Covid-19 serait donc propice à une remise en question de l’individu et de sa place dans le monde. Il est également mis en rapport avec “des flux énergétiques”, notamment des “chakras”. Quant à sa prévention, des activités rituelles telles que la méditation, la répétition de “mantras” et “l’acceptation” sont mises en avant par plusieurs pratiquant-e-s de thérapies spirituelles alternatives.

Pour nombre de Suisses confinés, des techniques physico-spirituelles, telles que les différentes formes de yoga moderne, sont pratiquées quotidiennement pour leur santé et bien-être. Selon une statistique de l’OFS de 2014[4], 19% des Suisses pratiquaient régulièrement une « technique basée sur le mouvement ou la respiration comme le yoga, le Taï-chi ou le Qigong ». Ce pourcentage serait-il revu à la hausse aujourd’hui en période de confinement ?

Le Covid-19 entraînera-t-il un renforcement des croyances religieuses ?

Certains universitaires et médias s’intéressent actuellement sur un possible « pic de religiosité dans le monde » en conséquence de la pandémie[5]. Si certains observent une tendance d’augmentation de la religiosité lors d’événements ou drames majeurs imprévisibles, celle-ci concernerait d’abord les individus déjà pratiquants plutôt que des non-croyants qui se tourneraient soudainement vers une réponse religieuse ou spirituelle. Pour d’autres, ce reflux du religieux est beaucoup moins clair et voient au contraire des possibles crises dans certaines communautés, à l’instar d’autres secteurs économiques et sociaux. Les facteurs et critères pour évaluer « la religiosité » sur une échelle globale sont cependant très complexes pour tirer des affirmations claires, aussi il est probable d’assister à de grandes différences suivant les régions en termes de « recrudescence » religieuse et spirituelle. Si nous assistons à un besoin de rassemblement communautaire et religieux en cette période particulière, rien n’est moins sûr qu’il dure après le déconfinement, pointe la sociologue Lori Baeman (Université d’Ottawa).


[1] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1690936/juifs-ultra-orthodoxes-covid-19-montreal-israel-culture?fbclid=IwAR3OFEelaruiW64S2e9j7tCFH_6H_UI2ingMR-9NL1HgKyKc1EVMSPD7onA, consulté le 6.04.2020.

[2] https://www.franceculture.fr/religion-et-spiritualite/confinement-comment-les-cultes-sorganisent?utm_medium=Social&utm_source=Facebook#Echobox=1587286242, consulté le 20.04.2020.

[3]https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1691035/coronavirus-religion-apocalypse-covid19-temoin-jehovah?fbclid=IwAR15YeIThOz_OISs5NHsU4IkjWlIyPDLJphnFk5Y4i23ES6uPZTiB4TjCHo, consulté le 7.04.2020.

[4] « Enquête sur la langue, la religion et la culture », OFS, 2014, https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/population/langues-religions.assetdetail.350458.html.

[5] Birdsall J., Director, Cambridge Initiative on Religion & International Studies, Centre for Geopolitics, https://centreforgeopolitics.org/will-covid-19-make-people-more-religious/.