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Lieux de culte et espace urbain

Vignettes

Les villes contemporaines sont le lieu d’une diversification religieuse qui s’intensifie depuis le dernier tiers du 20e siècle. Certain-es parlent à propos de cette ville plurielle de « superdiversité »[1][2] dans la mesure notamment où elle est le lieu d’implantation de celle-ci alors que se trouvent dans les campagnes des communautés chrétiennes – et particulièrement catholiques[3] ce qui explique peut-être que le paysage sonore (soundscape) des zones rurales suisses est plus clairement marqué par le religieux que ne le sont les territoires urbains. Les pastilles de couleur sur la carte ci-dessus montrent clairement la diversité dans les centres urbains comme Lausanne, Vevey ou Yverdon.

Vaud

Dans le canton de Vaud, Lausanne compte ainsi la majorité de cette diversité. Il va ainsi sans dire que cette superdiversité en matière religieuse a un effet sur l’aménagement urbain – et cela n’est pas étranger au fait que l’analyse des lieux de culte suscite un regain d’intérêt pour les sciences sociales[4][5][6]. Si la ville contemporaine apparaît souvent comme totalement sécularisée, les lieux de culte conservent une importance non négligeable, notamment pour l’industrie touristique. Les édifices religieux constituent effectivement d’importants pôles d’attraction dans cette industrie cruciale pour l’économie contemporaine[7][8] – du moins jusqu’à la pandémie mondiale de COVID-19. Or cette place des lieux de cultes n’en est pas moins caractérisée par une ambiguïté fondamentale : à la fois centrale dans le dispositif touristique et dans l’aménagement urbain, les communautés religieuses n’en éprouvent pas moins de la peine à prendre place, à trouver des espaces. À titre d’exemple, dans le canton de Vaud, hormis la synagogue de Lausanne bâtie en 1910 et du centre taoïste de Bullet inauguré en 2019, tous les édifices religieux – c’est-à-dire les bâtiments conçus comme tels et non pas ceux réaffectés ultérieurement – du canton sont chrétiens[9].

Genève

Or selon les données produites par le CIC, à Genève l’ensemble des communautés religieuses se partagent en moyenne 0,67 lieux par communauté, soit environ deux lieux pour trois communautés. De surcroît, si les édifices religieux monumentaux sont facilement identifiables, il en devient pourtant invisible pour le/la passant-e[10], par trop habitué-e à son milieu de vie direct. Mais surtout, cette superdiversité devient d’autant moins visible que se multiplient les modalités de production spatiale. En effet, de nombreuses communautés religieuses de réinventer les modalités d’accès à l’espace. On observe ainsi, dans cette ville superdiverse, une multiplication des formes administratives – sous-locations et colocations notamment – ainsi que des innovations formelles : recyclage de locaux commerciaux, de logements, de garages, mais aussi utilisation de lieux naturels, d’anciens cinémas ou encore des containers de chantiers.


Références bibliographiques

[1] Monnot, Christophe. 2020. « The City as a Continuous Laboratory for Diversity: The Case of Geneva ». Social Inclusion 8(3):262‑72.

[2] Vertovec, Steven. 2007. « Super-diversity and its implications ». Ethnic and Racial Studies 30(6):1024‑54.

[3] Monnot, Christophe. 2018. « La diversité dans la cité: les communautés religieuses en Suisse ». P. 171‑90 in Pluralisme et reconnaissance. Face à la diversité religieuse, édité par I. Becci, C. Monnot, et O. Voirol. Rennes: Presses Universitaires de Rennes.

[4] Becci, Irene, Marian Burchardt, et José Casanova, éd. 2013. Topographies of Faith. Religion in Urban Spaces. Leiden / Boston: Brill.

[5] Berking, Helmuth, Silke Steets, et Jochen Schwenk, éd. 2018. Religious Pluralism and the City. Inquiries into Postsecular Urbanism. London: Bloomsbury.

[6] Boutry, Philippe, et André Encrevé, éd. 2003. La religion dans la ville. Bordeaux: Éditions Bière.

[7] Fainstein, Susan S. 2007. « Tourism and the Commodification of Urban Culture ». in The Urban Reinvetors Papers Series 2005-2007. University of Tenerife, Canary Islands.

[8] Judd, Denis R., et Susan S. Fainstein. 1999. The Tourist City. Yale: Yale University Press.

[9] Marzi, Eva. 2020. CREDO. Une cartographie de la diversité religieuse vaudoise. Lausanne: Antipodes, p.59.

[10] Joseph, Isaac. 1984. Le passant considérable. Essai sur la dispersion de l’espace public. Paris: Librairie des Méridiens.